Octobre 2016
A destination des investisseurs professionnels uniquement.
Ne convient pas aux investisseurs de détail en Belgique.
Les marchés se sont visiblement habitués à l’idée d’un régime stabilisé de croissance économique faible mais durable, et de taux bas, que rien ne saurait perturber. Leur absorption rapide du choc créé par le vote en faveur du Brexit en juin dernier les a confortés dans cette quiétude. Grâce à l’appui des Banques centrales, ce régime leur a même permis des performances très honorables sur les dernières années.
Les marchés se sont habitués à un régime stabilisé de croissance faible et de taux bas.
Dans cet esprit, les investisseurs semblent se soucier assez peu du fait que se tiendront d’ici la fin de l’année les élections américaines, le 8 novembre, suivies de très près par le référendum italien, le 4 décembre, et enfin le 14 décembre le comité monétaire de la Fed, dernière occasion pour elle de relever ses taux directeurs au moins une fois en 2016 (en faisant l’hypothèse qu’une telle initiative le 2 novembre, une semaine avant le scrutin présidentiel, sera évitée). Pour ce qui nous concerne, il nous semble justifié, à l’aube de ce calendrier de fin d’année, de relever tactiquement notre niveau de vigilance à l’égard des risques de marchés.
L’économiste Hyman Minsky, décédé en 1996, s’était rendu célèbre en montrant que les grandes périodes de stabilité, en encourageant la prise de risque excessive, peuvent devenir elles-mêmes génératrices d’instabilité. Beaucoup avaient ainsi identifié dans la grande crise financière de 2008 un de ces « moments Minsky ». Sans faire de parallèle excessif avec cet épisode, force est de constater néanmoins que le recours depuis 2009 à des politiques monétaires non-conventionnelles sans précédent a permis un parcours enviable des marchés obligataires et actions, ignorant souverainement l’échec à relancer la croissance économique (voir notre Note de Septembre « All you need is growth », et réduire les niveaux d’endettement.
Cette période de marchés haussiers en l’absence d'amélioration de l'économie réelle a nourri dans le même temps une montée des mécontentements, fragilisant les gouvernements en place. En accentuant, par les effets du « quantitative easing », la fracture entre les bénéficiaires de la hausse des marchés financiers et les victimes de la faiblesse de la croissance, le traitement de la crise a contribué à une polarisation du débat politique. Selon l’agence de relations publiques américaine Edelman, l’écart de confiance dans les institutions politiques entre les élites (15% de la population les plus privilégiés) et le reste de la population n’a jamais été aussi élevé : 12 points dans le monde. L’écart est le plus grand aux États-Unis (près de 20 points), suivi par la Grande-Bretagne (17 points) et la France (15 points). Les discours de rupture, protectionnistes, voire isolationnistes sont ainsi devenus audibles. L’élection d’un candidat comme Donald Trump à la présidence des États-Unis est passée d’invraisemblable il y a un an, à plausible aujourd’hui. Une majorité de la population britannique a choisi de sortir de l’Union européenne, et les partis populistes en Europe se sont renforcés. Sous le calme des marchés sourd non seulement une fragilité économique, mais aussi politique (voir notre Note d'avril dernier « Danse sur un volcan »).
La confiance des investisseurs à l’égard des élections américaines tient en grande partie à ce que les sondages continuent de donner pour l’instant Hillary Clinton largement en tête (comme si l’épisode du Brexit ne leur avait toujours rien appris sur la fiabilité des sondages…). Mais elle tient aussi à un postulat de confiance a priori. Donald Trump ne serait que posture à ce stade et deviendrait beaucoup plus raisonnable une fois élu. Et quand bien même il voudrait être déraisonnable, le Congrès pourrait l’en empêcher. D’abord la propagation de ce raisonnement, en abaissant la perception du risque, augmente les probabilités d’une élection de Donald Trump. Par ailleurs, ce raisonnement est erroné. Appliqué en l’état, le CRFB (committee for a responsible federal budget) calcule que le programme de Donald Trump ajouterait 5 300 milliards à la dette fédérale sur dix ans. Par conséquent, même si une fraction seulement de son programme économique était appliquée, il est patent que l’impact serait néanmoins très négatif sur les finances publiques américaines.
Par ailleurs, rappelons que les institutions américaines donnent une grande marge de manœuvre au Président pour remettre en cause les accords commerciaux internationaux quand il s’agit de « défendre les intérêts américains menacés par une concurrence déloyale ». La mise en place de barrières tarifaires et la remise en cause d’accords commerciaux majeurs comme l’ALÉNA entreraient parfaitement dans les prérogatives du Président, et porteraient un coup brutal au commerce mondial. Le Peterson Institute, un cabinet indépendant d’analyse des politiques économiques, estime par ailleurs que le programme de Donald Trump reviendrait à engager une guerre commerciale potentiellement très dommageable à l’économie américaine. Notons enfin qu’apporter une réponse au mécontentement populaire est aussi l’un des objectifs du programme d’Hillary Clinton, pressée par son aile gauche. Son programme prévoit notamment, comme celui de Trump, un relèvement important du salaire horaire minimum, qui comprimerait davantage encore les marges des entreprises américaines. Autrement dit, les élections américaines nous offrent un cas de risque asymétrique défavorable, nonobstant les probabilités rassurantes à ce jour.
En effet, au mieux l’élection de la candidate démocrate installera aux commandes une Présidente impopulaire, élue principalement par rejet de son concurrent Républicain, et incapable de faire passer ses projets de relance budgétaire faute du soutien d’une majorité au Congrès (voir « All you need is growth »). Une sorte de statu quo, en quelque sorte, avec probablement plus de réglementation. Au pire, les élections américaines accoucheront d’un grand saut dans l’inconnu, avec une menace très directe sur le commerce mondial et les finances publiques américaines, voire une crispation géopolitique.
En Italie, le passage par un referendum constitutionnel (imposé à Matteo Renzi faute d’avoir obtenu une majorité suffisante au parlement) présente lui-aussi un risque asymétrique. En cas de succès, Matteo Renzi pourra poursuivre ses réformes, grâce à un Sénat défait de son pouvoir de blocage. Mais ce succès n’apportera pas de solution miracle à la faiblesse de l’économie italienne (la croissance au second trimestre a encore été de 0%), lourdement pénalisée par une productivité faible, une dette excessive et un système bancaire fragile. A contrario, un rejet constituerait de facto un vote de défiance à l’égard de Matteo Renzi. Il signalerait donc non seulement un coup d’arrêt à la dynamique de réformes, mais pourrait précipiter le retrait de la scène politique d’un des leaders politiques européens les plus europhiles et faire rebasculer l’Italie dans l’incertitude politique.
Enfin, surviendra le 14 décembre la dernière occasion cette année pour Janet Yellen de refléter dans un relèvement des taux directeurs l’amélioration des paramètres de l’emploi et de l’inflation aux États-Unis. En cas de marchés déjà très tourmentés, par exemple après un résultat surprise aux élections présidentielles, il est probable que la Fed se gardera de jeter de l’huile sur le feu. Mais sauf circonstances exceptionnelles, la Fed résistera difficilement à la tentation d’un relèvement de 0,25%. L’économie, et les marchés, en sortiront-ils renforcés ? Il est permis d’en douter. Risque asymétrique là encore.
Il est plausible que les marchés continuent de se satisfaire d’économies faibles, inondées de liquidités. Par ailleurs, les indicateurs avancés de l’économie globale pourraient poursuivre encore quelques mois leur redressement amorcé au printemps 2016 (quoique ce n’est pas ce que suggèrent nos propres analyses). Mais la gestion des risques commande d’être attentifs aux moments de fragilité (voir notre Note de juillet « Qu’est-ce que la gestion des risques? »). Le confort d’un soutien exceptionnel des Banques centrales prolongé plusieurs années a porté les marchés obligataires et actions sur des niveaux instables, au sens de Minsky.
Les deux classes d’actifs sont devenues vulnérables aux chocs externes, comme l’ont déjà confirmé des « mini-moments Minsky », en 2013, et pendant l’été 2015 puis au début de cette année 2016. Or, trois chocs sont de nouveau susceptibles de se produire d’ici la fin de l’année, tandis que nos anticipations macro-économiques suggèrent par ailleurs la possibilité d’une déception des marchés sur le plan de la croissance globale. Il y a donc lieu d’adopter, de nouveau, des configurations tactiquement plus prudentes sur les actions comme sur les obligations, pour appréhender correctement cette fragilité.
Source : Bloomberg, 10/2016
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