Septembre 2016
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L’échec des Banques centrales soulève la question du besoin de relances budgétaires
Malgré des années d’assouplissement quantitatif et de taux d’intérêt plus bas que jamais, les politiques monétaires ne sont pas parvenues à empêcher que la croissance économique, presque partout, continue de décevoir chaque année depuis huit ans.
Ce constat d’échec entraine trois conséquences. La première est la plus bénigne : ce qui devait être un traitement de la grande crise financière exceptionnel et temporaire est en train de devenir permanent. Les Banques centrales sont acculées à maintenir des politiques monétaires hyper-accommodantes. Les marchés s’en réjouissent, mais le problème pour l’économie réelle est que ces politiques butent de plus en plus sur la loi des rendements décroissants : leur impact s’épuise au fur et à mesure que les taux d’intérêt atteignent des niveaux extrêmement bas.
La seconde conséquence est une augmentation du risque économique : même avec des taux qui demeureraient éternellement bas, le manque de croissance nominale ne permet pas de réduire les déséquilibres financiers des États. Dans le même temps, le modèle économique du secteur bancaire est ébranlé. La question de la soutenabilité de la dette et de la faiblesse du secteur bancaire dans un contexte de croissance trop faible constitue un risque important à terme pour la stabilité financière globale. La menace sur la crédibilité des Banques centrales, embarquées dans une fuite en avant mal contrôlée, ajoute à ce risque.
Ce qui amène à la troisième conséquence de cet échec des Banques centrales : la pression s’accroit désormais sur les gouvernements pour reprendre la main sous forme de politiques budgétaires et fiscales. La croissance économique redevient un enjeu politique de premier plan dans des calendriers électoraux chargés, et nourrit, sous la pression de populations laissées pour compte depuis huit ans, des appels tous azimuts à la relance économique.
Pour les marchés, de taux comme d’actions, il s’agirait d’un changement de paradigme décisif, après huit années d’un régime univoque, principalement influencé par l’action des Banques centrales sur le prix des actifs financiers. Cette transition, encore hypothétique, mérite donc d’être examinée par les investisseurs sous l’angle de la gestion des risques.
Depuis le début de l’année, l’essentiel de la croissance américaine a reposé sur les dépenses des consommateurs. Comme nous l’anticipions (voir la Carmignac’s Note d’avril 2016 « Danse sur un volcan»), les dépenses d’investissement du secteur privé ont continué de décélérer, grevées par la baisse des marges des entreprises, et l’abondance des capacités de production inutilisées. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’y a pas de raison aujourd’hui d’anticiper une reprise de l’investissement à brève échéance. En revanche, la consommation pourrait commencer à souffrir de l’augmentation du prix des loyers et de la santé, voire d’un affaiblissement de la confiance provoquant une augmentation du taux d’épargne. La croissance américaine est par conséquent toujours vulnérable à un ralentissement cyclique, dans le contexte d’une croissance potentielle à moyen terme qui dépasse à peine 1% désormais. Dans le même temps, à l’aube de l’élection présidentielle, les dépenses publiques de construction en pourcentage du PIB y sont au plus bas historique (au moins depuis 40 ans !). Dès lors, il ne faut pas s’étonner qu’Hillary Clinton présente un programme économique incluant un plan d’investissement public de 275 milliards de dollars sur cinq ans, pour pallier la faiblesse de l’investissement privé, et que Donald Trump évoque « la nécessité de repenser totalement les infrastructures de la nation ». Même si la promesse parallèle de baisses d’impôts drastiques rend la remarque de Donald Trump un peu creuse, il y a bien surenchère de promesses de relance budgétaire.
Début août, le Japon a annoncé un nouveau programme de stimulus fiscal estimé à 275 milliards de dollars (28 000 milliards de yens). Même si la réalité des chiffres annoncés est sujette à caution, il s’agit d’un retournement de priorité spectaculaire quand on se souvient de la décision funeste en 2014 d’augmenter la taxe sur la consommation à 8%, qui fit plonger rapidement l’économie nippone.
Au Royaume-Uni, il est probable que le nouveau chancelier Philip Hammond annonce prochainement un programme d’investissement public pour pallier l’impact économique négatif du vote en faveur du Brexit. En zone euro, les marges de manœuvre demeurent polarisées entre d’un côté l’Allemagne qui vient d’annoncer un surplus budgétaire de 18,5 milliards d’euros (soit 1,2% du PIB) pour le premier semestre, et le reste de la zone en déficits excessifs. Mais, suite aux menaces sur la croissance créées par le vote britannique en faveur du Brexit, la Commission européenne pourrait devenir encore plus tolérante à l’égard des pays en délicatesse avec les règles de rigueur du pacte de stabilité. Quant à l’Allemagne, le ralentissement que pourrait bientôt subir son économie, ainsi que les encouragements d’instances comme le FMI, pourraient amener le gouvernement Merkel à surmonter sa répugnance historique à faire profiter un peu plus ses contribuables, accessoirement aussi ses électeurs l’an prochain, des fruits de sa bonne gestion, sous forme de réduction d’impôts ou d’augmentation des dépenses.
Ce « passage de bâton » du soutien monétaire au soutien budgétaire est certes loin d’être acquis. Aux États-Unis, il peut y avoir loin des promesses aux actes, a fortiori si les élections au Congrès, en Novembre prochain également, devaient reconduire une majorité républicaine. En Europe et au Japon, s’éloigner davantage encore de l’orthodoxie financière nécessiterait un « courage » politique auquel nous ne sommes plus habitués. Les marchés obligataires reflètent aujourd’hui ce scepticisme : les rendements des emprunts d’État américains à trente ans restent très proches des plus bas historiques en cette fin d’été. Mais la surperformance sur les marchés d’actions des secteurs industriels et cycliques depuis les plus bas de janvier/février traduit, en revanche, davantage d’espoir. En cas de déception économique, les marchés obligataires pourraient donc continuer de bien se tenir, mais aux niveaux actuels leur potentiel de gains supplémentaires n’en serait pas moins très limité. Les marchés actions, en revanche, sanctionneraient les valeurs cycliques pour revenir sur les valeurs plus défensives. À contrario, en cas de relance budgétaire convaincante, les marchés actions pourraient y trouver le relais de soutien dont ils ont besoin aujourd’hui, encore que les valeurs cycliques aient déjà largement profité de cette anticipation, mais le marché obligataire serait très vulnérable. Il le serait d’autant plus que va se faire jour d’ici la fin de l’année une légère tension de l’inflation aux États-Unis, qui s’ajoutera à la fin du choc déflationniste qu’avait provoqué l’effondrement du prix du pétrole en 2015.
A ce stade, les risques sont devenus donc défavorablement asymétriques pour les marchés obligataires. En revanche, la prolongation de politiques monétaires très accommodantes et la possibilité de plans de soutien à l’économie maintiennent des perspectives plus favorables aux marchés d’actions et de crédit. Ils justifient d’y conserver encore quelques temps notre exposition. Toutefois, nous gardons à l’esprit qu’une tension sur les taux d’intérêt ne manquerait pas de contaminer la valorisation de ces classes d’actifs. Ce diagnostic nous enjoint d’être doublement vigilants dans les prochains mois à l’égard de l’évolution du complexe politique monétaire/politique budgétaire.
The Long and Winding Road
Will never Disappear…
The Beatles
Source : Bloomberg, 09/2016
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